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    SISSARIO

     

    Morhont était gentil. Il me rappelait notre vieux voisin qui, dans ses derniers jours, fredonnait avec nostalgie une chanson qu'il avait appris de sa mère. J'aimais écouter Morhont raconter ses histoires, j'aimais malheureusement moins lorsqu'il me posait des questions sur ma courte vie. Il sut ce que je voulus bien lui dire, sans fioriture, sans entrer dans les détails : que j'avais quitté ma mère et ma sœur de Sainlange pour explorer les terres. Que mon père ne faisait plus partie de ce monde, qu'il était mort comme beaucoup durant la guerre, il y a maintenant quatre ans. Mais je n'aimais pas m'étendre sur ma vie alors qu'elle n'avait rien d'extraordinaire.

    Un soir, Morhont me fit une proposition que je ne pouvais pas refuser : « Ce soir, je te raconte l'histoire folle qui a fait de moi un borgne si en échange, tu me décris le pays où tu as grandi. 

    - Parce que vous êtes borgne, monsieur ?! M'exclamai-je, étonnée. »

    Il rit comme je ne l'avais jamais entendu rire. Il rit de tout son visage, plissant les yeux, montrant ses rares dents encore présentes, creusant les longues rides qu'il arborait sur son visage rougi par des années d'alcool et de froid. « Ebe ! S'exclama-t-il alors, riant de plus belle. Ta petite ne savait pas que j'étais borgne. » Mon patron gloussa aussi, heureux de voir son plus fidèle client de si bonne humeur. Sa joie me contamina. Je lui offris un grand sourire que je ne donnais pas beaucoup. « J'avoue que mon docteur m'a fourni un œil de verre des plus réalistes. Trinquons à sa santé ! » Il but rapidement la moitié de sa pinte alors que j'essayai de contenir ma curiosité sur cet œil de verre qui me semblait plus vrai que nature. Certes j'avais vu que sa pupille était immobile mais de là à me dire qu'elle était fausse.

    Mais alors que Morhont s'apprêtait à commencer son histoire, Séli arriva bruyamment dans le bar en compagnie de son homme tatoué. Elle était visiblement ivre et s'accrochait à son compagnon pour ne pas tomber. Elle aussi gloussait, braillant quelques paroles de morceaux que les marins chantaient. « Bons Dieux, Saga, grogna le patron, qu'a-t-elle encore fait ? » Ce dernier attrapa Séli dans les bras pour qu'elle arrête de gigoter, ce qui avait l'air de passablement l'énerver. « Je l'ai trouvé comme ça, dans sa chambre qui d'ailleurs n'est plus une chambre mais une marre, le toit est à deux doigts de lâcher après ces longues journées de pluie torrentielle. Elle ne peut pas dormir là-bas, tu as bien une chambre de libre pour elle ?

    - Que crois-tu, c'est la saison des roses des falaises, tous les marchands ont envahis la ville. Petite, tu pourras lui prêter un bout de ton lit ? »

    Tous les regards se tournèrent vers moi, dont celui de l'homme tatoué. Plus brûlant que celui des autres. J’acquiesçai d'un rapide signe de tête et ils montèrent pour l'installer dans ma chambre. « Tiens le bar, petite, le temps que je revienne. » Je m'empressai d'aller derrière le comptoir, attendant qu'ils redescendent. Je me surprenais à envier Séli, à envier cette passion unique qu'elle partageait avec ce Saga. Elle m'en parlait tous les jours et son amour pour lui la dévorait. Elle était amoureuse de ce type depuis près de deux saisons, une longue année. Elle était sûre qu'elle finirait par se marier et avoir des enfants avec lui. Elle espérait avoir un garçon, un beau et grand garçon comme son père avec ces tatouages qui orneraient joliment sa peau et ses mêmes yeux bleus, grands, clairs, intimidants. Quand elle parlait de lui, son côté fleur bleu qu'elle détestait par dessus tout voir chez les autres remontait à la surface.

    Leurs pas lourds descendirent les marches, discutant de ce qui l'avait mis dans cet état. Si je comprenais bien, Saga partait pour une mission de quelques mois, qui le mènerait loin de Lance-Hillion. Pour noyer son chagrin, Séli avait vidé une bouteille d'herbe brune. « Il va falloir que tu choisisses, Saga. Entre elle ou ta carrière. Tu pourrais très bien intégrer la Garde après ton apprentissage auprès de ... 

    - Je n'ai vraiment pas envie d'en parler, Ebe. »

    Il nous salua d'un signe de tête et quitta la salle sous le regard mécontent de mon patron. L'atmosphère s'était soudainement refroidie. Même Mohront n'osa pas faire de commentaire. Ce Saga était-il dans l'armée royale ? Séli n'avait jamais voulu me l'avouer et malgré toute mon imagination, je n'arrivai pas à le voir dans des bottes de soldats. Ebehard pesta, essuyant plus que de raison ce comptoir qui était aussi propre que faire se peut.

    L'ambiance se réchauffa soudainement lorsqu'un groupe de marins entra dans la taverne. Ebehard retrouva rapidement le sourire tandis que le bruit de leur cris et de leur engouement m'effraya et finit par mettre Mohront plus que de mauvaise humeur. Ebehard me demanda de terminer. Il était l'heure alors je rejoignais mon ami pour enfin écouter l'histoire qui lui a valut un œil de verre. « Regarde les, ces matelots dévergondés ! Cracha Mohront en zyeutant la tablée. Je n'aime pas quand ils te regardent comme ça. Tu n'es pas leur repas à ce que je sache ! Surtout à ce grand dadet ! » Ce dernier, l'un des plus discrets, dévia de sa route et vint nous alpaguer. Il demanda l'autorisation de s'asseoir à notre tablée, Morhont émit un grognement qu'il prit pour un « oui ». Je restai, tout comme mon vieil ami, sur la défensive, ne voyant pas d'un très bon œil une telle proximité avec un inconnu. « Excusez-moi de vous déranger mais nous nous sommes déjà rencontrés, n'est-ce pas ? » Morhont détailla le grand gaillard, ricanant dans sa barbe éparse de cette technique d'approche aussi vieille que le monde. « Je ne crois pas, murmurai-je, surprise.

    - Tu es de Sainlange, n'est-ce pas ? Tu es la fille de Taciil et Garance. »

    Morhont grinça des dents alors que je fronçai des sourcils, peu rassurée par ce que je venais d'entendre. « Ne t'inquiète pas. Je ne te veux aucun mal. Moi aussi, je suis natif de Sainlange. Nos pères travaillaient beaucoup ensemble, aux champs de fleurs. Nous nous sommes croisés, plusieurs fois. Tu étais encore petite. » Je n'arrivais pas à mettre un prénom sur ce visage avenant. Je n'avais jamais été physionomiste. « Je suis Ariety Hargo, dit-il, souriant, en me tendant la main. Tout le monde m'appelle Ary. »

    Je serrai sa longue main. Tout d'abord réticente à être amicale, je me déridai et avouai finalement que j'étais bien Sissario, fille de feu Taciil et de Garance. Mohront tomba des nues. Le visiteur en avait appris plus sur moi en deux minutes que lui en une saison. Il se leva doucement en s'aidant de la table, s'excusa et alla s'accouder au bar, en grognant quelques mots dans sa langue natale.

    « Dis-moi, Sissario, pourquoi travailles-tu là, dans cette taverne ? » J'hésitai. Après tout, je devais me méfier des inconnus, comme me rappelait souvent ma mère. Mais était-ce un inconnu ? Il avait grandi sur mon île, le dernier fils de notre voisin. Le nom de Hargo éveillait en moi un tendre souvenir de papa discutant avec des amis au coin du feu de notre petite chaumière, au creux de la campagne verdoyante. « Je devais partir, dis-je, je devais voir autre chose que Sainlange.

    - Mon père m'a toujours dit que sur Sainlange, il existait deux groupes de personnes. Beaucoup sont de ceux qui veulent rester sur l'île, préférant la tranquillité campagnarde d'une vie sage et apaisante. Et d'autres, plus rares, veulent partir loin. Découvrir ce qu'il y a ailleurs. Il y a ceux qui restent sur terre. Et ceux qui tentent de toucher l'horizon. J'en fais parti. Et toi aussi, Sissario. »

    Je ne savais pas si je faisais partie d'un groupe. Ce qui était sûr c'est qu'à Sainlange, je n'avais plus ma place. Et, à vrai dire, je doutais de la trouver, dans ce monde.

     

    Annoncer à mon patron que je partais le lendemain me fit un petit pincement au cœur, mais après tout, c'était le juste déroulement des choses. Ce que je redoutais, c'était de le dire à Morhont. Parce qu'en décidant de rejoindre Ariety Hargo, je savais que Mohront et moi ne nous reverrions plus. C'était beaucoup plus triste qu'un au revoir : c'était un adieu. Lorsqu'il pénétra dans la taverne, boitant un peu plus que la veille, il était d'humeur exécrable. D'ailleurs, il ne prit même pas la peine de me dire bonjour. Mais j'avais l'habitude, Morhont changeait d'humeur comme de chemise. L'heure de ma fin de journée annoncée, je rejoignis le vieil homme à sa table. Je lui avouai mon intention de quitter la taverne, de quitter Lance-Hillion tout court. Ary m'avait proposé une place sur le bateau de la marine marchande sur lequel il occupait un poste de matelot, la plupart du temps sous l'ordre du cambusier. Son capitaine était à la recherche de quelqu'un pour le servir, après que le dernier en date ait mystérieusement disparu la veille. Il était persuadé que ce ne serait pas difficile de le convaincre. Le navire partait dès demain matin pour les pays du Sud. « Les pays du Sud, Mohront, vous vous rendez compte ! » m'exclamai-je, enjouée. Mohront ne comprenait pas l'amour que j'avais pour le Seltanat de Sana-Istan, même après les horreurs qu'il lui m'avait conté sur cet ambigu pays. « Ariety m'a raconté qu'on aperçoit la capitale Sana de très loin, qu'elle est faite d'or et de sable, que le palais du Seltan est le plus beau jamais construit, que les vendeurs de tapis exposent leurs merveilles sur les marchés, colorant les rues de mille et une couleurs. Que le phare de Djali est si haut que tous les navires qui naviguent au sud de Lance-Hillion peuvent le voir. »

    J'avais des étoiles dans les yeux et rêvais éveillée. Ainsi, j'allais réaliser le début de mon rêve : voir le monde. Comme Mohront lorsqu'il était âgé de seize ans.

    Jamais je n'avais autant parlé que ce soir. Mohront m'écouta, prit d'une soudaine peur au ventre. Parce qu'il connaissait aussi les pays du Sud, devenu cet immense royaume qui effrayait plus qu'il ne donnait envie. « De ces pays sont nées les plus belles légendes, m'avait-il prévenu l'une des premières fois où nous avions parlé de Sana-Istan, mais aussi les pires récits. Là-bas, les esclaves servent encore de main d’œuvre très bon marché, travaillant jusqu'à leur dernier souffle, les opposés au Seltanat sont torturés et emprisonnés sans espoir de revoir la lumière du jour. La pauvreté, comme dans bon nombre d'îles dans la Baie, côtoie quelques privilégiés qui ont su se frayer un chemin vers la richesse, en perdant en passant, un bout de leur âme. 

    - Ici aussi, la pauvreté salit les rues, assénai-je, marre qu'on me mette inlassablement en garde contre le Seltanat. Regarde nous. Regarde toi. Nous ne sommes rien de plus ici ou là-bas. »

    Il fronça des sourcils, comme s'il avait été blessé dans son amour propre. Il ne put se résoudre à débattre, à me rabâcher que ce pays fait d'or et de sable était triste et inhumain. « L'herbe n'est pas plus verte ailleurs, grogna-t-il sans même me regarder. Tu dois apprendre par toi-même. Cette terre n'a pas que du rêve à offrir. Mais la vérité est, sans nul doute, effrayante à admettre. C'est cela découvrir le monde. Lui avait-il dit un autre soir. »

     

    «  Tu feras attention, n'est-ce pas ? Me demanda-t-il alors que nous étions sur le point de se quitter.

    - Oui, Mohront. Je vous le promets.

    - Ne fais confiance qu'à toi-même. Le monde est difficile. Tu l'apprendras à tes dépens.

    - Je ferai attention.

    - Bien. Tiens, je te donne ce bracelet. C'est un bijou que m'avait confectionné un vieil ami, avant que je ne parte à l'aventure comme tu le fais, il y a cinquante ans. Il m'a porté chance pendant toutes ces années. Il fera de même autour de ton poignet. »

    Il m’enlaça timidement et me donna deux tapes dans le dos. J'enroulai le bijou fait de corde et d'une perle noire autour de mon poignet. Je lui offris un dernier sourire, un des plus francs qu'il n'eut jamais reçu avant de tourner les talons. Je ne me focalisai nullement sur ce mauvais pressentiment qui m'envahit. Cependant, je sus que jamais je ne reverrai mon ami.

     

    Sac à dos sur les épaules, bracelet au poignet, j'avais rejoint le port Est avec deux heures d'avance sur le rendez-vous pour être sûr de ne pas rater le départ et de m'imprégner de ce mode de vie marin qui serait désormais le mien. J'aimais l'agitation de la ville qui, malgré de continuelles nuits blanches, s'éveillait lorsque l'aube arrivait. L'odeur dans le port était forte, un mélange de poissons, de rouille et de sel qui me donna un haut le cœur.

    La haute et élégante silhouette du navire marchand appelé Dormus faisait de l'ombre à tous les autres bateaux amarrés au quai. Je m'assis, près d'un hangar, sur un tonneau qui renfermait de l'alcool, étant donné le fort parfum qui s'en dégageait et attendis en espionnant les faits et gestes de chaque marin qui travaillait sur le port. On ne me prêta aucune attention, des enfants rêvant d'aventures qui n'avaient pas leur place ici, il y en avait tous les jours. Ça braillait, ça hurlait. L'effervescence était telle que je me sentis à la fois excitée et apeurée par cette nouvelle vie qui m'attendait. Mais bientôt, il n'y eut plus de place pour l'agitation lorsqu'une tête châtain que je reconnaissais fit son apparition, prêt du Dormus. En moins de deux, je sautai du tonneau et rejoignis Ariety, les cheveux en bataille. Il semblait pressé par le temps, comme tous les matelots qui s'affairaient à terre. Il m’amena auprès d'un homme d'une quarantaine d'années, massif, le visage sévère, un grand nez recourbé comme un bec d'aigle, les cheveux longs, noirs et grisonnants. Je me sentais si petite à ses côtés que je n'osais plus parler. Ary lui toucha quelques mots que je n'entendis pas en raison du brouhaha qui animait le port. Puis il retourna s'affairer à sa tâche, rejoignant un des marins qui comptait les tonneaux que d'autres chargeaient dans le navire.

    « Tu es Sissario, c'est cela ? Fernen, Second du Dormus, se présenta-t-il en entamant une marche à travers le quai de ses grands pas que je peinais à suivre. Je te prends à l'essai pour le voyage. Tu devras assister Capitaine Dietra et faire le travail de simple matelot le reste du temps. Plus de nerfs, Docci ! Grogna-t-il en tapant sur un tonneau poussé par un petit moussaillon. D'habitude, mes méthodes de recrutement sont plus poussées que cela mais nous n'avons pas le temps, nous devons prendre la mer avant dix heures si nous voulons éviter la tempête et arriver au port de Djali à temps. Si tu ne fais pas l'affaire, tu rentreras chez toi par tes propres moyens lorsque nous accosterons au prochain port, et ton garant, Hargo, sera de corvée de pommes de terre jusqu'à ce qu'on revienne à la capitale. »

    Il me fit signe de le suivre et lorsque je montai sur le Dormus, je pris enfin conscience de l'immensité du bâtiment. Alors que nous arpentions le gallion et que j'essayai maladroitement de suivre le patron en évitant les obstacles sur notre chemin, il m'expliqua en quelques phrases ce qui allait se passer durant les prochains jours. « Nous sommes quarante cinq sur le navire. Tu obéiras aux ordres du Capitaine mais aussi des maîtres à bord. » J'essayai tant bien que mal de me rappeler ce que m'avait raconté Mohront, lui qui avait travaillé sur un navire marchand durant des années, m'avait expliqué en long, en large et en travers la hiérarchie très réglementée de la marine marchande. Sur un navire comme le Dormus, l'équipe devait être au complet avec un Maître canonnier, voilier, charpentier, cambusier, navigateur. Et tous les matelots qui travaillaient à terre comme une fourmilière faisaient partie d'une des équipes si bien organisées que tout le monde savait quoi faire et à quel moment.

    « Tu serviras Capitaine Dietra. Tout ce qui te sera demandé, tu le feras, sans te poser de questions et en vitesse. Notre capitaine n'est pas quelqu'un de patient. Lorsque tu seras délivré de tes fonctions, tu seras affectée à la tâche la plus rudimentaire : le nettoyage. Le Dormus est un des plus grands et des plus respectés des navires marchands de la capitale. Je ne veux pas voir la moindre petite tâche sur le pont, sinon, tu seras de corvée de chasse aux rats au fond des cales, c'est compris ? »

    J’acquiesçai d'un signe de tête. Nous arpentions un long et étroit couloir qui s'enfonçait dans les entrailles du bateau. Il ouvrit une petite porte avec inscrit « Dortoir B » et m'ordonna de poser mon sac au pied du hamac du fond et de rejoindre le capitaine dans la foulée. « N'adresse la parole au Capitaine que lorsque tu y ais invité, compris ? » Il tourna les talons, faisant claquer ses bottes sur les planches de bois. Au loin, les hurlements de marins s'amenuisaient. Et j'entendis le navire gronder de tout son long. On larguait les amarres, le bateau s'échauffait avant sa longue traversée. Malgré sa froideur apparente, Ary m'avait dit deux mots à propos de Fernen, que c'était un homme distant mais loyal et honnête. Son rôle n'était pas des plus simples, c'était lui qui réglait tous les conflits, lui qui s'occupait de chaque marin, lui qui tendait les mouchoirs, l'épaule, pansait les plaies, séparait les ennemis. Il garantissait sur le navire la loyauté et le professionnalisme. Ils étaient deux, avec le capitaine à jouer avec les grands de ce monde et la politique.

    Je pris mon courage à deux mains et toquais à la porte du bureau de navigation. Je n'entendis pas la réponse et me permis d'entrer. Au milieu de la pièce teintée de rouge et d'or, se tenait un imposant bureau en bois au dessus duquel était posé une immense carte de notre monde. Le capitaine, concentré, ne remarqua pas ma présence et continua à déchiffrer la carte. Son long doigt déplaçait le Dormus d'un point à un autre, essayant d'éviter un point distinct qui devait être la tempête dont Fernen m'avait parlé rapidement. « Matelot, que voulez-vous ? Dit le capitaine sans lever les yeux de la carte. »

    Malgré son statut, sa voix était douce et agréable, elle me rappelait étrangement celle de ma mère. « Sissario Corgohan, Capitaine, votre nouvelle assistante. » Le capitaine se redressa et qu'elle ne fut pas ma surprise lorsque la carrure qui se dessina derrière cet élégant uniforme de la marine marchande fut celui d'une femme. Tout de suite, j'eus pour cette dame, une admiration sans borne. Chacun savait qu'il était difficile de devenir capitaine d'un navire, cela se faisait au mérite et au talent, encore plus sur le Dormus, l'un des plus majestueux bateaux de la marine marchande de la capitale. Il était aussi difficile pour une femme d'être accepté sur un navire. Le travail était dur et physique. Cette femme avait dû prouver sa valeur plus d'une fois, se défendre contre ses collègues, crier plus fort qu'eux pour se faire entendre. Morhont m'avait raconté que les mentalités avaient changé, que désormais une femme sur un navire ne faisait plus exception mais tout de même … Capitaine du Dormus.

    Son uniforme rouge sang moulait ses formes féminines et lui allait comme un gant. Ses cheveux courts, coiffés en arrière laissait place à un front immense et à de petits yeux noisettes perçants. Son nez aux narines évasées et ses lèvres pulpeuses faisait d'elle une femme avec une prestance éloquente. Sa peau brune pailletait sous les lueurs du soleil qui commençaient à envahir sa cabine par les grandes fenêtres derrière son bureau.

    « Corgohan, dis-tu ? C'est un nom peu courant. » Elle laissa peser quelques secondes de silence puis émit un léger ricanement en répétant mon nom de famille. Mains dans le dos, droite comme un i, j'attendais les ordres lorsqu'on pénétra dans la cabine. « Capitaine, toutes les marchandises sont en soutes, tous nos hommes sont sur le pont.

    - Bien. Faites venir Flogett au poste de commandement. »

    Le lieutenant tourna rapidement les talons. Je ne m'attendais pas à tant de propreté, tant d'uniformité sur un navire. Ils avaient tous leurs uniformes, chaque grade avait une couleur distincte. Le capitaine plia rapidement l'immense carte et s'avança en trois grandes enjambées vers la porte et me dit avec un sourire malin :

    « Bienvenue à bord, Corgohan. »

     


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